Le deuil non reconnu

DEUIL - HYPNOSE ET TCC À REIMS

Dorothée Simon

8/4/20257 min read

Il existe des douleurs qui ne trouvent pas leur place, des chagrins qui n'ont pas le droit d'exister, pas de mots pour être racontés, pas d'espace pour être entendus. Ces douleurs et ces peines, ne sont pas reconnues par votre entourage? Ce sont les deuils non reconnus. Ceux que la société ignore, minimise ou refuse de nommer. Pourtant, ces pertes sont bien réelles. Elles provoquent des fractures intérieures profondes, d’autant plus douloureuses qu’elles ne peuvent pas s’exprimer librement.

Prenons quelques exemples...

Il arrive qu’une femme vive une fausse couche à quelques semaines de grossesse, après des mois voir des années d’attente, d’espoir, de projets silencieux. Le corps se vide, le cœur aussi, mais autour d’elle, tout continue. On lui dit que “ce n’était pas vraiment un bébé”, que "ce sera la bonne la prochaine fois", que “c’est mieux que ce soit arrivé tôt”. On lui conseille de “ne pas s’attarder là-dessus”, de “penser à autre chose”. La douleur, elle, reste. Parce qu’il y avait déjà un lien, parfois un prénom,  souvent une projection.

D’autres fois, c’est la perte d’un animal qui provoque ce déchirement. Un chien, un chat, parfois un cheval, avec qui l’on a vécu pendant dix, quinze, voir 30 ans selon l'animal. Présent tous les jours, compagnon fidèle, silencieux, toujours là, des fois quand personne d’autre ne l’était. Quand l’animal meurt, on perd un repère, un lien affectif irremplaçable, un être vivant auquel on a confié ses émotions, ses joies, ses peines, et avec qui on partageait notre quotidien. Mais cette perte-là est encore souvent tournée en dérision. “Ce n’est qu’un animal”, “tu exagères un peu”, “tu vas en reprendre un autre”… Comme si le lien ne comptait pas. Comme si l’amour ne valait que pour les humains. Comme si un être vivant pouvait remplacer un autre être vivant. Cette manière de balayer la peine empêche l’élaboration du deuil, et isole encore plus la personne en souffrance.

Il y a aussi ces pertes rendues invisibles par la nature de la relation. Un homme perd son amante, une femme perd son amant. Une histoire passionnée, intime, sincère, mais restée dans l’ombre. Quand cette personne meurt, la douleur est immense, mais il n’y a pas de légitimité pour l’exprimer. Pas d’invitation aux obsèques, pas de regard compatissant. Parfois, il faut même cacher les larmes, et faire comme si cette perte n’existait pas. Ce type de deuil est d’autant plus cruel qu’il oblige à souffrir en silence, à vivre un deuil sans reconnaissance, sans mots, sans droits.

L’infertilité est un autre deuil silencieux. Il ne s’agit pas d’une personne perdue, mais d’un avenir avec un enfant qui ne viendra pas, et de la parentalité rêvée qui n’aura pas lieu. C’est une perte répétitive, cyclique, à chaque traitement infructueux, à chaque règle qui revient, à chaque grossesse annoncée dans l’entourage. Le vide est immense, mais personne ne l’entend. On dit “tu as de la chance d’avoir du temps pour toi”, “tu peux adopter”, “tu peux vivre une vie libre sans enfants”. Mais aucune solution ne remplace un désir intime, profond, viscéral. La souffrance est là, mais elle est tue, car il n’y a ni deuil visible, ni rite social pour ce manque.

Perdre un emploi après vingt ou trente ans dans la même entreprise, c’est parfois vivre une véritable perte identitaire. Ce n’est pas qu’une affaire de salaire ou de statut social. C’est tout un pan de vie qui s’écroule... Une routine, des collègues devenus presque une famille, une valeur personnelle fondée sur l’utilité, la compétence, la place qu’on occupait dans un système. À la rupture, on est sommé de rebondir, de se reconvertir, de rester positif. Mais le deuil n’a pas le temps d’être vécu. Il est souvent nié, méprisé, parce qu’il ne s’agit “que” d’un emploi. Pourtant, il s’agit aussi d’un déracinement, d’une perte d’appartenance, d'un changement radical dans la vie.

Il y a des deuils encore plus complexes, car ils bousculent les cadres familiaux traditionnels. Quand une femme perd le fils de son conjoint, par exemple, ce beau-fils qu’elle a aidé à élever, aimé comme son propre enfant, ou encore, accompagné dans ses étapes de vie. Elle n’a souvent pas sa place dans les rituels du deuil, car elle n’est pas la mère, et elle n’est pas “de la famille”. Pourtant, la perte la transperce. Elle doit souvent rester en retrait pour ne pas “prendre la place” de ceux que l’on considère comme les vrais endeuillés, et en même temps, elle doit beaucoup porter. Cette mise à distance ajoute une blessure à la douleur, celle de ne pas pouvoir faire exister son lien, alors qu’il était essentiel et bien réel.

De même, lorsqu’une personne perd un beau-père ou une belle-mère avec qui elle avait tissé un lien fort, parfois plus fort que celui avec ses propres parents. Elle se retrouve exclue de la sphère du chagrin. On attend d’elle qu’elle soutienne son conjoint, qu’elle reste “à sa place”. Mais la tristesse est bien là, et elle n’a souvent aucun espace pour être communiquée.... Car ce n’était pas “son” parent. Comme si l’amour avait besoin d’un lien biologique pour être reconnu.

Et puis, il y a les adolescents ou les enfants que l'on oubli trop souvent. Quand un ami meurt, quand un frère ou une soeur disparaît, quand les parents divorcent, ou quand un parent décède, on les considère encore comme des êtres trop petits pour vraiment souffrir ou sinon dans la force de l'âge pour s'en sortir vite. Leur douleur est souvent sous-estimée, voire niée. On leur dit qu’ils vont s’adapter, qu’ils vont “oublier”, qu’ils sont “résilients par nature”. Une phrase entendue par moi-même, dans le contexte où une jeune fille a retrouvé le corps de son papa après suicide, "Elle est débrouillarde et forte, elle va vite rebondir". Dans certains cas, on cache des informations aux adolescents ou enfants, on les écarte des cérémonies, on les protège à l’excès ou on les ignore… en leur refusant l’accès au processus de deuil. Pourtant, un enfant peut vivre un effondrement intérieur. Un adolescent peut faire une dépression sévère après la perte d’un ami ou d’un membre de la famille. L’invisibilisation de leur souffrance ne fait qu’aggraver leur solitude. Un enfant, malgré son jeune âge, ne doit pas être considéré comme incapable de comprendre ou de ressentir profondément. Il n’est ni bête, ni imperméable à la douleur. Il est simplement jeune, et sa manière de vivre la perte mérite autant d’attention que celle d’un adulte.

Quand la perte ne peut pas se dire, elle s’installe autrement

Tous ces deuils, parce qu’ils ne trouvent pas leur place dans le regard des autres, deviennent lourds, complexes, figés. Ils entraînent souvent un enchevêtrement de culpabilité, de honte, de colère, de tristesse non exprimée, voir, de peur. À force de ne pas pouvoir dire ce qu’on a perdu, on finit par se dire qu’on n’avait peut-être pas le droit de souffrir. Dans certains cas, on peut se dire qu’on est trop sensible, pas assez fort, illégitime.

Ce type de vécu peut générer de nombreuses complications, tels que les troubles anxieux, l'isolement, la fatigue chronique, des troubles du sommeil, de la difficulté à faire confiance, de la perte d’élan vital. Le deuil non reconnu est un processus interrompu. Il reste à l’intérieur, comme une boucle non achevée. Il n’est pas rare de voir apparaître, des mois ou des années plus tard, des symptômes flous, comme un mal-être diffus, des pleurs inexpliqués, une sensation de vide, ou des crises de panique sans raison apparente. En réalité, c’est l’émotion contenue qui cherche à sortir.

La thérapie est alors un espace précieux pour redonner à cette perte le droit d’exister. Dans un cadre sécurisé, contenant, sans jugement, il devient possible de déposer la douleur, de l’explorer, de lui donner des mots. En thérapies cognitivo-comportementales, on vient déconstruire les pensées automatiques qui empêchent le processus de deuil : “je ne devrais pas souffrir autant”, “ce n’était pas vraiment ma place”, “je suis ridicule de pleurer ça”. On travaille à légitimer l’émotion, à valider l’attachement, à créer parfois des rituels symboliques pour marquer la perte, même tardivement. On accompagne aussi la reprise d’un rythme de vie apaisé, à travers l’activation comportementale, le renforcement de l’estime de soi, et la reconstruction de sens.

L’hypnose thérapeutique permet d’accéder à un autre niveau. Là où les mots ne suffisent plus, là où le mental a tout verrouillé, l’inconscient peut encore parler. Grâce à un état de conscience modifié, il est possible de revivre symboliquement ce qui a été figé, de rencontrer ce qui a été perdu, de dire ce qui n’a pas été dit. L’hypnose peut offrir une scène intérieure dans laquelle on se reconnecte à la relation disparue, on répare l’inachevé, on libère l’émotion contenue. C’est un outil puissant, non intrusif, respectueux, qui permet d’intégrer la perte sans la nier, de s’en libérer sans l’oublier.

Une place à redonner à ce qui a été nié

Le deuil non reconnu n’est pas un petit deuil, ni une fausse douleur, ni un caprice émotionnel. C’est un deuil invisible, et pour cette raison même, souvent plus lourd à porter. Parce qu’il faut se battre à la fois contre la perte, et contre le silence autour d’elle.

Il est possible d’en sortir, en lui redonnant une place juste.

Souvenez-vous... chaque lien est unique, chaque perte est singulière. Ce qui a été ressenti est légitime, et cela mérite d’être reconnu, entendu, et, un jour, apaisé.

À Reims, j'allie Hypnose et TCC, pour votre mieux-être durable. Dorothée Simon, Hypnothérapeute et Thérapeute TCC à Reims